La création contemporaine trouve-t-elle encore matière à dialoguer avec l'art des origines ? En d'autres termes, existe-t-il des affinités formelles ou des problématiques communes entre l'art d'aujourd'hui et l'art de la préhistoire ?
Pour répondre par l'affirmative à ces questions, Chrystel et Bruno Lajoinie proposent dans leur galerie du Domaine perdu, à Meyrals, une exposition hors du temps. Baptisée « Aux sources du geste », celle-ci réunit les œuvres de trois peintres et d'un sculpteur qui, au-delà de leurs différences, nourrissent un goût commun pour les traces archaïques et les gestes primitifs.
Fidèle des lieux et figure majeure de la scène abstraite européenne, Thibaut de Reimpré n'a jamais caché sa fascination pour l'art préhistorique et son travail se réclame depuis toujours d'une filiation avec les fresques pariétales du paléolithique. Il en va de même pour la peinture de Joanna Ingarden-Mouly, jeune artiste d'origine polonaise, qui réside aujourd'hui en Suisse et expose pour la première fois au Domaine. Aimant intégrer des formes figuratives dans ses compositions - silhouettes humaines ou animales qui percent au milieu des traits et des coulures - elle remet en mouvement la dialectique « d'apparition-disparition des formes » présente dans les superpositions des grottes ornées ancestrales.
Plus léger et plus aérien, le travail de Laurence Garnesson est un heureux mélange d'abstraction lyrique et de calligraphie extrême-orientale. Ses réalisations font penser aux croquis aquarellés des relevés que les pionniers de la science pariétale, tels l'abbé Breuil ou Leroi-Gourhan, copiaient à même les parois.
Exposition et monographie
Le dernier intervenant s'appelle Patrick Lainville et vit dans le Lot. Sa passion pour la préhistoire remonte à l'adolescence et commence par la recherche de bifaces dans les champs. L'observation de ces outils de pierre taillée a eu une incidence directe sur ses créations de sculpteur. En parallèle de l'exposition dont le vernissage a eu lieu samedi, Chrystel et Bruno Lajoinie éditent un ouvrage monographique consacré au travail de l'artiste, dont les œuvres conservent, à l'instar des bifaces, les traces de percussion.
Ce livre, signé du journaliste Joël Peyrou et des préhistoriens Alain Turq et Michel Lorblanchet (respectivement conservateur en chef du patrimoine au musée des Eyzies et directeur de recherches honoraires au CNRS), met en exergue les nombreuses similitudes qui existent entre les réalisations de ce jeune sculpteur adepte du fer forgé et les outils préhistoriques.
Pratique. L'exposition « Aux sources du geste » est visible à la galerie de Meyrals (sur la route du Bugue) jusqu'au 29 janvier, du jeudi au dimanche de 10 à 12 heures et de 14 h 30 à 18 heures.
Pour tout renseignement, tél. 05 53 30 47 50 ou sur le site www.ledomaine-perdu.com.
Titia Carrizey-Jasick