Joanna Ingarden, née à Cracovie, est exposée pour la première fois à l’Univers à Lausanne.
Rigolo... Joanna Ingarden donne des cours de nus académiques dans son atelier de Lutry, mais elle a renié toute dictature formelle et quitté la figuration depuis longtemps. Quoique ! En regardant bien ses grands formats exposés à la Galerie Univers à Lausanne, en sondant leurs strates comme autant de chemins menant dans les profondeurs intérieures, on croise du monde, quelques ombres humaines, celles d’une sirène, d’une voilure et même d’une voiture.
L’artiste semble capter au vol le ricochet des tempéraments de la nature pour les rendre sur la toile.
Parfois, c’est un bourgeon qui semble éclore dans un jaillissement d’énergies ou un cercle vertueux qui se forme dans un éclat circulaire, d’autres c’est une étendue d’eau qui s’offre pleine de rebondissements. Et d’autres fois encore, ce sont des terres qui se soulèvent, grondantes de couleurs.
Comme si l’artiste, née à Cracovie, passée par New York et Paris avant de s’établir en Suisse en 1983, captait au vol le ricochet de ces tempéraments et de ces audaces de la nature pour les rendre sur la toile. Plus fortes encore ! Parce qu’il y a le ressenti d’abord et ensuite toute la puissance du geste. Et toujours... ce faisceau de signes qui grouillent, se frôlent ou se superposent, électrisant les toiles de Joanna Ingarden.
Une première à l’Univers
C’est la première fois qu’elle expose à l’Univers - elle a eu ses habitudes lausannoises chez Nelly L’Eplattennier, adresse autrefois reconnue comme fervente de l’abstraction européenne et de la deuxième école de Paris - et avec elle, l’Univers s’ouvre à l’abstrait avec bonheur tant l’artiste semble à un tournant significatif en route vers une touche fort singulière. Où la matière vibre autant que la couleur comme d’ailleurs la non- couleur dans une très belle série chorégraphiant des impulsions en noir-blanc.
Mais après avoir senti cette nature vivre dans les couches de la peinture de Joanna Ingarden, faut-il vraiment lui poser une étiquette abstraite ? Si on pense à la puissance évocatrice, à la grande maîtrise de la composition et des effusions de couleurs, oui, son travail se construit sur la science de l’abstrait, mais il narre aussi sa propre version du monde en fécondant les pensées de ceux qui le regardent.
Florence Millioud Henriques
24 heures - 10 mai 2021